par Charles Fréger à Monaco – Eté 2020
L’EXPOSITION
La Direction des Affaires Culturelles de Monaco présente, du 16 octobre 2020 au 3 janvier 2021, une exposition de portraits filmés réalisés à Monaco, par Charles Fréger.
Ce projet d’exposition, produite et organisée par la Direction des Affaires Culturelles sous le commissariat de Björn Dahlström, a vu le jour dans le contexte particulier du déconfinement.
L’artiste Charles Fréger porte un regard sur Monaco et différents groupes ou communautés qui constituent l’identité du pays.
Travailleurs, sportifs, scolaires et artistes ont été filmés à un moment où la distanciation sociale est devenue la norme. L’artiste a choisi de privilégier l’image en mouvement créant ainsi une plus grande proximité entre le modèle et son public.
L’exposition présentera ces portraits filmés, projetés et orchestrés par Charles Fréger, dans la Salle d’Exposition du Quai Antoine Ier, à Monaco.
Depuis le début des années 2000, Charles Fréger réalise un projet intitulé « Portraits photographiques et uniformes ». Il a produit ainsi partout dans le monde un corpus d’images conséquent qui s’inscrit dans l’histoire séculaire du portrait. Ce qui l’intéresse, c’est le vêtement, l’uniforme, l’apparat, et comment, à travers ces derniers, l’individu représente le groupe, la communauté.
Son mode opératoire est précis et inflexible : l’uniformité des poses, du cadre, de la lumière, la frontalité des portraits. Paradoxalement, ce sont ces contraintes imposées par le photographe qui révèlent davantage le particularisme des modèles qu’il photographie de façon sérielle.
Au fil des années, la pratique de Charles Fréger s’intéresse peu à peu à la silhouette et à son caractère sculptural, encore plus qu’à l’individualité même du sujet. Ses séries sur les mascarades à l’instar de « Wilder mann, ou la figure du sauvage », « Yokainoshima » ou « Cimarron » attestent ce glissement : au-delà de l’identité, la forme et le corps sculpté ont pris eux-aussi une dimension prépondérante.
Pour Monaco, Charles Fréger a produit un ensemble de portraits, d’identités diverses, qui incarnent le pays. Au-delà de l’imagerie habituellement véhiculée par la Principauté, l’artiste a choisi des groupes, certains célèbres comme les carabiniers du Prince, d’autres moins connus, associatifs, sportifs, ou encore des communautés de travailleurs, tout aussi essentielles à la vie du pays, mais moins visibles, comme les ouvriers du bâtiment, les cantonniers.
La production du projet revêt à Monaco une dimension particulière. C’est comme si l’artiste ici, malgré lui, avait activé, à l’échelle d’une nation, une esthétique relationnelle : en proportion, la communauté a été ici plus qu’ailleurs informée, participative et active dans la réalisation et la mise en œuvre du projet.
Quant au contexte de la pandémie de Covid-19, il a joué un rôle prépondérant. De fait, la crise sanitaire et ses mesures de distanciation sociale ont rendu moins aisées les prises de vues.
Le port du masque — véritable rempart contre les signes de l’individualité, le besoin accru de rétablir une intimité avec ses modèles ont conduit Charles Fréger à privilégier le portrait filmé plutôt que photographié : l’image en mouvement et le son donnent à l’ensemble une promiscuité et une sensualité encore plus évidentes.
La mise en œuvre de cette technique filmée reste ici fidèle en tous points au cadre établi par l’artiste dans son protocole photographique. Mais le film permet de capturer « le moment où chacun trouve sa place », où le modèle se rassemble pour livrer, « délivrer sa posture ». Avec le portrait filmé, l’artiste prend ici le pouls de ses modèles qui, le temps de quelques secondes, retiennent puis relâchent leur respiration pour mieux exprimer ce qu’ils sont. Dans ce court instant, l’artiste fait fusionner les pratiques à la fois filmique et photographique, la deuxième et la troisième dimension.
Sans faire de rapprochement direct avec la pandémie, on ne peut s’empêcher pourtant de sentir, dans le souffle des images, comme une libération — conditionnelle certes, mais survenue au moment même du déconfinement alors qu’avaient lieu les prises de vues.
La langueur des images, la bande sonore travaillée à partir de captations effectuées in situ et qui accompagne les 181 portraits ici présentés confèrent à l’ensemble une unité et une poésie particulières. Le montage des séries, bien que minimal, induit une narration et raconte une histoire de Monaco, livre un portrait en mosaïque des acteurs de la principauté à un moment très particulier. Les modèles, à la fois identifiables par les uniformes de leur communautés, mai aussi sculpturaux et chorégraphiés comme notamment les danseuses des Ballets de Monte-Carlo, sont comme la synthèse du travail de l’artiste qui associe ici deux axes forts de l’histoire de sa production. Les portraits ainsi projetés, monumentaux, sur un mur linéaire de 26 mètres, relèvent pour la première fois dans le travail de Charles Fréger, davantage de l’installation que de l’exposition de photographies.
Björn Dahlström
CHARLES FRÉGER
Photographe français né en 1975, Charles Fréger a élaboré en quelque vingt années une œuvre dense et singulière, à l’ambition quasi-encyclopédique.
L’important corpus de photographies constitué à ce jour par Charles Fréger témoigne de son insatiable recherche : aller vers des communautés tantôt sportives, militaires, festives ou scolaires, envisager les individus qui la composent, déceler les liens, les rituels et les formes qui les unissent.
Dans chacun de ces cercles, Charles Fréger s’intéresse au corps et au vêtement en tant que territoires ambivalents : quand la pose vient révéler une identité rêvée, quand le vêtement, tout uniforme qu’il est, voit sa rigueur éprouvée par une adolescence facétieuse. Là, alors, se trouve l’image qu’il désire. Longtemps rassemblée sous le titre générique de « Portraits photographiques et uniformes », l’œuvre s’est dans un premier temps révélée héritière d’une certaine tradition nordique. Augmentée de performances et de vidéos, elle a évolué, pour finalement atteindre une dimension foncièrement théâtrale, et sensiblement baroque par endroits.
Prenant ses distances avec le portrait tel qu’il le pratiquait jusqu’alors, Charles Fréger se concentre depuis plusieurs années sur la silhouette et son potentiel expressif. Les visages et les corps graduellement disparaissent, les uns dissimulés derrière masques et maquillages, les autres sous des costumes gagnant en complexité et en volume.
L’exposition Fabula retraçait les grandes étapes de ce glissement théâtral et symbolique, sous la forme d’une rétrospective rassemblant des extraits d’une vingtaine de séries réalisées entre 1999 et 2018, tant sur les continents européen, américain qu’asiatique et africain.
Charles Fréger est basé à Rouen. Il a exposé dans le monde entier et publié plus de vingt ouvrages. Parmi ses opus les plus récents citons Yokainoshima, exposé aux Rencontres d’Arles 2016 et au musée des Confluences à Lyon en 2018 et Cimarron, publié en 2019 et exposé au Musée d’histoire de Nantes.
BJÖRN DAHLSTRÖM
Björn Dahlström (1975, Casablanca) est historien de l’art (École du Louvre, Paris) et directeur de musées.
En 2000, alors qu’il travaille à l’inventaire de la collection de l’artiste Bob Wilson au Watermill Center (NY), Björn Dahlström rencontre Marie-Claude Beaud, qui dirige le Mudam (Musée d’Art Moderne du Luxembourg) et qui lui propose de la rejoindre. Il sera chargé à ses côtés de la préfiguration et de la programmation de l’institution qui ouvrira en 2006.
Dans ce contexte, ils sont commissaire et curateur de l’exposition « Air Conditioned » de l’artiste Su-Mei Tse qui reçoit le Lion d’or de la meilleure participation nationale pour le Luxembourg à la 50e Biennale de Venise en 2003.
En 2008, il fait partie d’un groupe de chercheurs et curateurs internationaux qui
accompagne l’équipementier sportif PUMA dans sa nouvelle politique internationale de mécénat en faveur de l’art contemporain en Afrique et de mise en réseau de la scène africaine contemporaine, ce qui aboutira à la création par Jochen Zeitz du ZEITZ MOCAA – Museum of Contemporary Art Africa à Cape Town (ZA).
En 2010, la Fondation Jardin Majorelle le sollicite pour assurer la création du Musée Berbère à Marrakech dont il est ensuite conservateur pendant 9 ans. Parallèlement, pour Pierre Bergé, il coordonne la restauration de la Maison d’Émile Zola près de Paris et l’ouverture du Musée Dreyfus prévue au printemps 2021 dans le parc de la maison de l’écrivain.
Dès 2015, Björn Dahlström, Pierre Bergé et Madison Cox, assurent ensemble la maîtrise d’ouvrage du Musée Yves Saint Laurent de Marrakech (architectes : Studio KO) qui ouvrira deux ans plus tard à proximité immédiate du Jardin Majorelle et dont il prendra la direction.
En 2019, il assure également la direction du Musée Yves Saint Laurent de Paris.
À partir d’avril 2021, Björn Dahlström prendra la succession de Marie-Claude Beaud à la tête du Nouveau Musée National de Monaco.